Comme ils vivaient bien, avant que la terre ne soit sillonnée par de longues routes ! Le pin n’avait pas encore bravé les ondes azurées et n’avait pas encore offert une voile gonflée au vent, et le marin errant, cherchant des gains extérieurs sur des terres inconnues, n’avait pas encore chargé son bateau de marchandises. En ce temps là, le taureau vigoureux n’allait pas sous le joug, et le cheval ne mordait pas le mors d’une bouche domptée. La maison n’avait pas de portes, il n’y avait pas, fixée dans les champs, de pierre qui délimitait les terres avec des limites précises ; les chênes d’eux-mêmes donnaient du miel, et spontanément les brebis apportaient leurs mamelles gonflées de lait aux gens sans souci. Il n’y avait pas d’armée, de colère, de guerre, et le cruel forgeron n’avait pas forgé d’épée avec un art inhumain. Maintenant sous le règne de Jupiter, il y a toujours des meurtres et des blessures, maintenant il y a sur la mer mille chemins vers une mort soudaine. Ici les chants et les danses règnaient, et ici et là les oiseaux errants chantaient doucement d’une gorge délicate ; les champs non cultivés donnaient de la cannelle, et à travers tous les champs la terre bienveillante fleurissait de roses odorantes ; une file de jeunes gens mêlés à de tendres jeunes filles jouait, et l’Amour engageait le combat sans cesse. Ici c’était l’endroit pour tous les amants que la mort a surpris, et leur chevelure portait des couronnes de myrte qui les rendait remarquables.
Autre version du même mythe, trouvée dans un manuscrit ultérieur :
L’âge d’or naquit le premier qui cultivait la justice et la vertu spontanément, sans loi, sans vengeur. Le châtiment et la crainte étaient absents, et on ne lisait pas de mots menaçants gravés sur l’airain, et la foule suppliante ne craignait pas le visage de son juge, mais les gens étaient en sécurité sans défenseur. Le pin n’avait pas encore été abattu dans ses montagnes pour voir un monde étranger et n’était pas encore descendu sur les ondes liquides, et les mortels ne connaissaient aucun rivage en dehors des leurs ; les fossés en pente n’entouraient pas encore les forteresses ; il n’y avait pas de trompette droite, ni de cor recourbé, pas de casques, pas d’épées : les peuples en sécurité avaient de doux loisirs sans l’usage du soldat. La terre elle-même, libre d’impôts, non touchée par l’outil, et qui n’était pas blessée par els charrues, donnait tout spontanément, les hommes étaient contents des nourriture créées sans contrainte, ils cueillaient les fruits de l’arbousier et des fraises de montagne, et des cornouilles et des mûres attachées à des buissons épineux et des glands qui étaient tombés du large arbre de Jupiter. Le printemps était éternel, de calmes zéphyrs caressaient de tièdes souffles les fleurs nées sans semence. Encore la terre qui n’était pas labourée portait des récoltes d’elle-même, et le champ qui n’avait pas été labouré blanchissait de lourds épis ; tantôt des fleuves de lait, tantôt des fleuves de nectar coulaient, du miel blond coulait de l’yeuse verte.